Le liège & le chêne liège
Le chêne-liège (Quercus Suber) est un arbre unique en son genre car son écorce, le liège se régénère une fois extraite. Cette délicate opération d’écorçage, confiée à des spécialistes, sera répétée tous les 9 ans, période durant laquelle les arbres ne seront jamais coupés ni endommagés.

Pascal Nibaudeau, Chef étoilé du Pressoir d'Argent à Bordeaux

Rencontre avec Pascal Nibaudeau, chef étoilé du Pressoir d’Argent au Grand Hotel de Bordeaux et Didier Sakhir assistant sommelier. Planeteliege : Votre carte menu propose des formules avec des «accords mets/vins».
Comment s’opèrent les choix ?
Pascal Nibaudeau : Au Pressoir d’Argent, en temps normal, je conçois les menus et mes sommeliers proposent des vins qui s’accordent avec les plats, en construisant une progression entre 2 ou 3 vins sur l’entrée, le plat, le dessert.
Parfois lors d’un travail plus spécifique pour une soirée thématique autour d’un vin, d’une appellation ou d’une région, les recettes sont effectivement élaborées en fonction des vins choisis.

Didier Sakhir : Nous goûtons les vins et nous en parlons, nous échangeons chacun avec nos mots, les sensations, les évocations, le sucré, les épices… la poire… avec ce vin sec et vif un plat frais, avec ce vin grand et puissant un plat plus évolué…

P.N. : Personnellement je n’ai pas de connaissances précises du vin, par contre quand j’entends ces évocations, la noisette, la poire, les épices, j’imagine les mélanges de saveurs, les combinaisons des produits (le foie gras, la truffe, l’huître, le miel…), les ingrédients de la recette viennent compléter le vin.
(Mais la recette fonctionne bien évidemment seule sans le vin…)

PL : Le sommelier débouche t-il les bouteilles devant les clients ?
P.N. : C’est tout un cérémonial, très important dans la préparation à la dégustation.

D.S. Oui pour les vins choisis à la carte, on présente la bouteille qui peut ensuite être carafée.
Dans le cas de l’option accord mets/vins des menus, c’est un service au verre, dans ce cas la bouteille est présentée déjà ouverte (voire masquée quand on propose une dégustation en aveugle).

PL : Quelles sont les différentes étapes pour déboucher une bouteille ?
D.S. : On présente la bouteille, l’étiquette, l’aspect visuel. On repose la bouteille sur une console ou un chariot, on décapsule, on se sert du tire bouchon et on débouche. On sent le bouchon, c’est un premier indice pour détecter un éventuel défaut. S’il y a une odeur suspecte, on goûte le vin. Il arrive que l’on sente un défaut au nez qui disparaît en goûtant le vin. Pour les vins de notre cave que je connais bien c’est vrai que le test olfactif me donne déjà beaucoup d’indices.

PL : Quelles sont les autres informations sur ce bouchon ?
D.S. : Au visuel : la dégradation, le degré d’imbibition, la réduction des diamètres, surtout sur les champagnes, la cristallisation éventuelle, la couleur… tout cela nous donne des informations sur le vin et la manière dont il a évolué.

PL : Dans votre formation d’œnologue avez vous suivi des cours sur le liège ?
D.S. : Oui, on a appris la production des bouchons, la récolte du liège, avec beaucoup de temps, 9-15 ans entre chaque récolte, la sélection du liège… C’est toute cette industrie au Portugal, les gens qui travaillent… Pour eux ça serait une catastrophe qu’on arrête d’utiliser les bouchons en liège, et pour les forêts aussi…

PL : Et le fameux goût de bouchon ?
P.N.: ça fait râler… mais bon le vin et le liège sont des matières vivantes et nul n’est parfait…

D.S.: C’est plutôt une odeur, de moisissure, de champignon, je crois due à une bactérie présente sur le bouchon. Certaine personnes disent que quand un vin est bouchonné il faut le carafer, je pense que c’est une erreur, ça ne change rien, le vin est hélas impropre à la consommation.

PL : Ce problème de goût de bouchon vous arrive-t-il souvent ?
D.S.: On peut tomber sur des lots… ou par période, saisons, il ne faut pas oublier que le vin est un produit vivant. Mais il n’y a pas non plus que ce défaut, l’oxydation, le goût de poussière etc… et puis tout simplement certains vins ne correspondent pas à ce qu’ils doivent être et dans ces cas là c’est autre chose que le bouchon.

PL : Avez-vous dans votre cave des bouteilles bouchées avec des capsules à vis ?
D.S : Oui, une seule pour l’instant, c’est un vin de Nouvelle-Zélande.

PL : Une seule ? pourquoi ?
D.S. : La clientèle bordelaise est assez réticente à ce type innovations. De part mon parcours, j’ai travaillé à Bruxelles au Seagrill, nous avions des vins du monde entier et là on avait beaucoup de bouchons à vis même parfois sur de grandes cuvées…

P.N. : Je n’y suis pas hostile aux capsules, c’est à expérimenter… mais c’est encore un peu jeune, on manque de recul. C’est vrai aussi que les clients sont assez réfractaires.

PL : Avez-vous dans votre cave des bouteilles bouchées avec des bouchons synthétiques ?
D.S. : Oui quelques-uns sur les petites appellations de Bordeaux et Entre deux-mer, sur des vins de pays, dans tous les cas des vins à consommer avant cinq ans.

PL : Pourquoi avant 5 ans ?
D.S. : Si vous voulez, le liège permet un échange gazeux avec le vin qui favorise le vieillissement alors que le bouchon synthétique n’est pas complètement hermétique, ce qui fait que le vins n’évolue pas bien dans le temps. J’ai eu récemment des bouteilles d’une dizaine d’années qui avaient coulées.

P.N.: Alors contrairement à la capsule à vis qui me paraît intéressante, le bouchon en plastique ne me convient pas du tout, vraiment trop «cheap». Ok pour l’apéro, un rosé bien frais, des grillades, mais pas dans mon restaurant. Je ne pense pas que le bouchon plastique ait vraiment un avenir.

PL : Dans le cas où le vin est bon, accepteriez-vous de présenter au client une bouteille bouchées avec une capsule à vis ?
D.S. : Nous avons fait l’expérience avec un grand cru de Bordeaux qui est bouché avec une capsule à vis (Château La Louvière), les clients sont très réticents, il y a un problème d’image, de perception.

PL : Et avec un bouchon synthétique ?
D.S. : avec un bouchon synthétique, je suis plutôt discret…
Vous savez quand on ouvre une grande bouteille, un Mouton Rothschild ou Haut Brion, une fois que la bouteille est ouverte et le vin servi, je prends une petite coupelle j’y dépose le bouchon et je l’amène sur la table. Ça fait très plaisir au client et bien souvent il l’emmène en souvenir…

Alors aluminium, liège ou synthétique ?
P.N. : Pour un grand vin : un grand bouchon… donc du liège !

D.S. … et pour la garde c’est évident, le liège.