Maxime Beucher, designer, directrice artistique et fondatrice de Cork Design
Cork Design, société spécialisée dans la création de produits en liège pour la décoration, l’architecture, le mobilier et le textile offre une nouvelle vision hautement performante et esthétique de cette matière légendaire… Planète Liège : Comment êtes-vous “tombée” dans le liège ?
Maxime Beucher : Par hasard… Je cherchais un revêtement de sol pour un client “pénichard”. Je ne voulais plus utiliser des parquets exotiques par éthique personnelle. Mon client m’a laissé carte blanche… Habitant près de Chartres, je me suis rendue à une exposition sur le Portugal à la Mairie de la ville, ville jumelée avec Evora. Je connaissais bien les Portugais pour avoir travaillé avec eux pendant 12 ans, dans l’univers de l’art de la table.
L’ensemble de l’exposition était essentiellement animée par l’Artisanat Portugais. Tous les stands exposaient des petites figurines en Liège! . Seul un stand, au doux nom anglais de Robinson présentait son savoir-faire dans le bouchon, l’isolation, et un revêtement. La réponse à mon chantier était là: un sol en liège ! Souple, imputrescible et surtout extrêmement léger, cette matière devenait la matière la plus exploitable pour les sols de bateaux. Simplement il y avait un hic. Ce n’était pas beau…
Et c’est dans cette usine, classée aujourd’hui comme site industriel archéologique, que j’ai “appris le liège”. Durant 2 années, nous avons travaillé à l’élaboration d’une collection de parquet.
Malheureusement la société battait de l’aile depuis 3 ans. Malgré tous nos efforts pour investir et relancer Robinson, la société a fermé. Cependant nous avons pu récupérer le savoir-faire, exploité aujourd’hui.
PL : Pourquoi cette matière vous séduit elle tant ?
MB : Parce qu’elle est infinie! Si c’était une femme, j’en serais jalouse. Tant de possibilités créatives et tant de capacités techniques. Le liège incarne l’intelligence et la beauté en une seule matière! Impossible chez une femme, dit-on!
PL : Quel type de liège pour quels produits ?
MB: Du liège recyclé au liège naturel, coordonnés ou non, c’est une matière caméleon. Elle peut s’adapter à tout.
PL : Cette matière est-elle facile à travailler pour des designers?
MB : Elle est comme une pâte à modeler. Plus ou moins tendre. On peut la sculpter, la tourner, la peindre, l’ajourer, la rendre courbe, la rendre anguleuse. C’est une immense palette de création. C’est cela la difficulté de cette matière, on en connait pas ses limites… Pas toujours facile pour des designers. L’infini dans la conception! Imaginez une page blanche sur laquelle on pourrait écrire indéfiniment, en ayant la lecture toujours possible… Ce serait à devenir fou .C’est ça le liège, ça rend fou ...fou de passion !
PL : La clé de votre réussite? Un savoir-faire bien précis ?
MB : La clé de ma réussite: l’amour du liège. Au fond, je ne fais rien. Le liège me donne tout. En contrepartie, je parle de l’arbre, du chêne liège, pour qu’on lui donne un vrai coup de main, afind qu’il ne disparaisse pas. Pour que les suberaies puissent encore et encore s’épanouir, en abritant cette faune magnifique, patrimoine du bassin Méditerranéen. Je raconte l’histoire de ce petit garçon de Portovecchio, de l’Alentejo, de Sardaigne demandant à son grand père de lui apprendre ce geste, ce geste du démasclage. Geste ancestral qu’il ne faudrait jamais perdre.
PL : Vous avez clairement contribué à mettre le liège au goût du jour dans la décoration et le design, mais il reste « démodé » aux yeux de certains. Pour quelles raisons à votre avis ?
MB : La mode, Hum…Démodé c’est demain, et la mode c’était hier.
C’est agaçant tout ça. Imaginer que l’avenir du liège se trouve au milieu de ce combat de dupe de la consommation. Même si aujourd’hui le “Développement Durable”, le HQE, le Naturel, Le Bio, sont des sujets de stratégie marketing, même si le liège représente tous ces avantages, j’ose espérer que cette matière passera le cap de cet effet mode.
D’Agamemnon en passant par Frank lloyd Wright, du pêcheur, au plus illustre designer d’aujourd’hui, le liège, a su s’adapter à toutes les époques et à tous types de personnes.
Le liège doit-être reconnu comme matière vitale, comme le cuir. A la différence près qu’on n’abat pas l’arbre comme on abat la bête.
En quelque sorte, le tissu de liège pourrait s’appeler « cuir végétal ».
Dire que le liège est démodé revient à dire, qu’un jour peut-être, notre planète sera démodé aussi!
PL : Qui sont vos clients ? Des français ou plutôt des étrangers ?
MB : Aujourd’hui des étrangers. Japon, Etas unis, Canada, Scandinavie, Belgique… Le liège attend la France.
PL : Qu’avez-vous d’autre à inventer, imaginer, concevoir avec du liège ?
MB : Pour l’instant j’estime ne rien connaitre du liège ou qu’une infime partie. Je pense qu’il y a encore tout à imaginer.
PL : A votre avis, le liège a t-il un bel avenir ?
MN : Cela dépend avant tout de la sauvegarde des suberaies. Si le bassin Méditerranéen arrive à convaincre et protéger ses forêts de chêne liège, alors oui, le liège va époustoufler par ses caractéristiques de nombreuses générations à venir. On a besoin de cette matière dans les domaines les plus techniques comme l’aérospatiale, au domaine les plus gourmands, comme les bouchons, au domaine les plus intimes, comme nos intérieurs. C’est une matière inimitable industriellement. Des entreprises les plus pointues, comme la Nasa n’ont rien trouvé de mieux que le liège pour l’isolation de leurs fusées! Vous-même, connaissez-vous une matière irremplaçable ? Moi, Non.
PL : Avez vous un message à faire passer ?
MB : Faire la révolution verte, Oui, en brandissant des banderoles, en marchant tous ensemble, dans la même direction, pour la sauvegarde du Liège et de notre planète.
Et sur les banderoles l’inscription:
“Liberté, Egalité, Naturité”
PL : Pour conclure, 3 mots pour qualifier le liège ?
MB: Green économie,
Prospérité,
Bonheur